Ce qu'on va faire ENSEMBLE(S)
Qu’est-ce qu’on va faire concrètement ENSEMBLE(S) ? D’où sort ce projet et pourquoi il traite du sujet le plus fondamental du monde d’aujourd’hui ?
Cher·e ami·e, cher·e inconnu·e,
On ne se connait pas encore, ou en tous cas pas dans ce contexte. Alors laissez-moi vous raconter ce qu’on va faire ENSEMBLE(S) avec cette newsletter et comment ce projet est né.
Au départ, tout est parti d’un constat personnel :
Je me dis « ouverte », mais je vis dans une bulle de gens qui me ressemblent.
Je me dis « engagée » (ou en tout cas très « concernée » par l’état du monde), mais jusqu’à récemment, je n’étais impliquée dans aucune action citoyenne collective.
Alors je me suis demandée si c’était juste moi, jeune trentenaire (en vrai presque quarantenaire 🥳), urbaine et dissonante avec ses valeurs, coupable de ne pas faire assez d’efforts pour s’ouvrir, s’engager, se relier aux autres ? Ou si c’était juste une phase de vie (j’ai 2 enfants de 3 et 5 ans ceux qui savent, savent 😬) ? Ou alors si c’était autre chose qui me dépasse ? Qui ne relèverait pas juste de ma responsabilité individuelle ?
Après m’être plongée plusieurs mois dans ce que nous en disent les sociologues, anthropologues, historiens, statisticiens, chercheurs en psychologie sociale et politique, la réponse est malheureusement sans appel : NON, ce n’est pas juste MOI ! De même que ce n’est pas juste VOUS.
⚡️ Un monde en crise « EGOlogique »
À tous les étages de la société, on traverse ce qu’on pourrait appeler une crise «EGOlogique[1] ». C’est-à-dire une crise du lien entre l’individu et le collectif, entre moi et les autres, entre « nous » et « eux ». Une crise dans laquelle chacun se replie sur soi et ceux qui lui ressemblent dans une bulle conforme à son image.
📉 Cette crise « EGOlogique » prend de multiples formes et touche :
• Nos liens intimes : épidémie de solitude (1 adulte sur 4 dans le monde se sent seul[2]) ; baisse de la sociabilité et du contact avec les proches (il y a dix ans, les gens passaient 6,5 heure par semaine avec leurs amis proches, aujourd’hui c’est 2 fois moins[3])), récession de la sexualité (baisse du taux d’activité sexuelle annuelle de 15 points en France en 7 ans, à un niveau inférieur à celui de 1970)[4]
• Nos liens sociaux : baisse de l'engagement pour les autres et avec les autres (pour 70 % des Français la politique n’est pas importante[5], le bénévolat est en baisse de 7 % depuis 10 ans[6]) ; polarisation politique extrême (Aux US, 66 % des gens des soutiens à un parti voient ceux du parti opposé comme “une menace sérieuse aux États-Unis et à son peuple”[7]. La France, elle, a la palme d’or de la polarisation politique en Europe[8]) ; baisse de l’empathie (elle aurait diminué de 40 % en 20 ans[9]) ; défiance “de l’autre” (2/3 des Français affirment qu’on ne se méfie jamais assez d’autrui[10]) ; voire de détestation “de l’autre” ou de certains autres (71 % des Français estiment qu’il y a trop d’étrangers en France, c’était 7 points de moins il y a 3 ans[11]).
Bubble boy avec Jake Gillenhall, Blair Hayes (2001)
Dans la vraie vie et encore plus sur les réseaux sociaux par la force des algorithmes, on navigue dans des mondes parallèles, chacun dans un monde complaisant où rien ne vient déranger nos goûts, nos croyances, nos opinions.
Vous pensez que j’exagère ? Faites donc le test pour mesurer à quel point vous êtes touché·e par cette crise EGOlogique (test concocté par mes soins 👩🍳).
✊ Recréer du collectif, le défi fondamental du monde d’aujourd’hui
Alors, vous me direz peut-être qu’avec la crise ÉCOlogique et toutes les autres, on a d’autres chats à fouetter non ? Je crois au contraire que cette crise EGOlogique est LE problème fondamental du monde d’aujourd’hui. Que vouloir y répondre n’est pas anecdotique, utopique ou naïf. Que c’est une nécessité. Sans laquelle tous les efforts que l’on met par ailleurs à résoudre les crises écologiques, politiques, sociales et tout le toutim (ce mot 💛) seront vains.
Don't look up, Adam MacKay (2021)
Pourquoi ? Parce qu’on est à ce moment particulier de l’Histoire de l’Humanité, où nos destins n’ont jamais été autant liés :
- Même si on ne le « sent » pas, on n’a jamais été aussi dépendants les uns des autres pour à peu près tout ce qui fait notre vie quotidienne (manger, s’habiller, se déplacer, se chauffer…) et même désormais pour notre survie.
- On traverse une crise systémique, c’est-à-dire un enchevêtrement de multiples crises (politique, géopolitique, écologique, sociale, culturelle… etc.) toutes liées les unes aux autres. Dans ce monde-là, ce que je pense être le problème des autres est en fait aussi le mien.
Pour s’en sortir, la tâche est immense et il semblerait qu’on n’ait pas d’autre choix que de trouver une voie collective, de « composer ensemble » entre gens qui ne se connaissent pas, ne se ressemblent pas, ne se sont pas choisis.
Alors chacun dans notre coin, on peut faire du « capitalisme éthique et responsable », de la RSE, des « start-up à impact », du développement personnel et spirituel à gogo ou essayer de se créer des refuges pour s’extraire de la folie de ce monde.
Mais je crois que la seule question qui vaille et qu’on ne peut plus éluder c’est : comment avancer ensemble entre gens qui ne partagent pas les mêmes intérêts, les mêmes visions du monde, les mêmes modes de vie, les mêmes cultures ? D’ailleurs, est-ce que c’est possible d’accomplir des choses ENSEMBLE quand on n’appartient pas aux mêmes ENSEMBLES ?
🧐 Enquête d’ensembles
Ce sont les questions qui me taraudent depuis plusieurs mois. Alors je me suis lancée dans une enquête qui m’a amenée à beaucoup me documenter (sociologie, anthropologie, histoire, psychologie politique… etc.), à me former (à l’approche systémique, ce qui a totalement changé ma manière d’aborder le monde → je vous en dirai plus dans les épisodes suivants), à tester des choses concrètes sur moi-même (par exemple j’ai fait un stage pour apprendre à parler à des inconnus ou encore je consacre beaucoup de temps comme bénévole dans une association qui lutte contre le mal-logement). Malgré tout, ça restait encore un peu trop théorique pour répondre sans angélisme et bien-pensance à la question « est-ce que c’est POSSIBLE ? » et si oui « COMMENT on fait ? ».
Pour répondre à cette question vertigineuse a priori, j’ai décidé de partir à la recherche de petits groupes hétéroclites de gens qui reflètent la société dans sa complexité et qui arrivent à accomplir des choses ensemble : par exemple, des assemblées de jurés d’assises, des conventions citoyennes, les Alcooliques Anonymes, un collège public, une boîte, un collectif qui mélange des juifs et des musulmans et qui œuvre pour la paix etc.
Avec cette question : quels sont les ingrédients qui font que ça marche dans ces ensembles qui n’étaient pas destinés à se rencontrer ? Et avec cette hypothèse (à tester bien sûr) : si c’est possible à petite échelle, alors peut-être que ça l’est aussi à grande échelle en créant les bonnes conditions ?
Je verrai toujours vos visages, magnifique film de Jeanne Herry sur la justice restaurative
Bref, c’est cette enquête passionnante, mais aussi parfois déroutante et confrontante dans laquelle j’ai envie de vous embarquer avec cette newsletter. Et pouvoir vous la raconter, un peu à la façon d’une série, en épisodes écrits.
Si vous voulez recevoir les épisodes chaque semaine, n’oubliez pas de vous abonner :
💌 Comment ça va se passer ?
2 fois par mois environ, je vous raconte l’avancée de mon enquête. Vous trouverez
Un FOCUS sur un sujet
Une VIDEO qui fait du bien
Une ACTION CONCRETE que VOUS pouvez mettre en oeuvre
Une RECOMMANDATION (livre, film, initiative qui contribue à (re)donner le gout des autres)
Bref, cette newsletter, c’est le journal de bord de cette enquête en cours. Parce que cette exploration, même si elle part d’un élan personnel, je n’ai pas envie de la faire seule. Je crois à la vertu d’être ENSEMBLE pour challenger, contredire, questionner, rectifier mais aussi suggérer, compléter, proposer.
Cette newsletter n’est que le point de départ de quelque chose de plus ambitieux : un livre, un film mais surtout des pistes d’actions concrètes à l’échelle individuelle et collective.
La prochaine fois, je vous raconte ce que j’ai compris (et que je n’avais pas vu venir au départ…) en voyant passer plus de 12 000 personnes en quête d’épanouissement dans leur travail dans le programme Switch Collective (un bilan de compétences revisité qui a la particularité de se faire en collectif).
Pour cet épisode de lancement, voici votre mission (si ce n’est pas déjà fait) : faites le test pour mesurer à quel point vous vivez dans une bulle. En essayant d’être vraiment vraiment honnête 😳. Faites-vous partie des 70% de répondants qui ont un score supérieur à 50% (je vous mets tout de suite à l’aise c’est mon cas 😬) ?
6 mn, montre en main ⏳ ! Hâte de voir vos résultats…
🙏 MERCI QUI ? Cette newsletter est le fruit d’un travail collectif et je voudrais remercier tout particulièrement du fond du 💛 ces quelques personnes pour le temps qu’ils m’ont généreusement offert, les retours toujours bienveillants jamais complaisants, les idées lumineuses, le soutien sans faille : Chris, Maria, Salomé, Bea, Mika, Ben, Floriane, Anais, Maxime, Tarik, Lucas, Aymeril, Ahmed, Lucie, Leo, Adrien, Mathieu, Noémie, Marc-Arthur, Anne-Cé, Sarah, Arnaud.
Last but not least, Flora pour la créa que j’adore. Je ne saurais trop vous la recommander flob-graphics.eu 🙏
[1] J’ai trouvé ce terme très évocateur à la p. 129 de ce livre que je vous recommande et dont je vous reparlerai : Uniques au monde, de Vincent Coquebert
[2] Rapport Gallup : Global State of Social Connections report (novembre 2023)
[3] Survey center of American Life: The State of American - Friendship : Change, Challenges, and Loss (mai 2021)
[4] Étude Ifop pour l’observatoire LELO de la sexualité des Français(es) (février 2024)
[5] Norme IFOP de Climat social (2021)
[6] Insee : 1,3 million d’associations : des hôpitaux aux associations de parents d’élèves et clubs de gym (avril 2021)
[7] Kalmoe and Mason, Lethal Mass Partisanship (2019)
[8] Baromètre 2019, Polarisation politique, Université Charles-III de Madrid (Indice de polarisation supérieur à la moyenne (5,83)
[9] Meta-étude 1979-2009, Université Michigan
[10] IFOP fractures françaises (Octobre 2022)
[11] IPSOS : Baromètre Fraternité (2021)